accueil : juin du mercredi au dimanche de 15H à 18H
juillet – août du mardi au dimanche : 10H30 – 12H et 15H30 – 19H et sur RDV
Cette année le centre d’art contemporain de ST Restitut reprend la thématique “Collectionner aujourd’hui”. En 2012 avait été présentée, après le musée de Toulon, la collection de dessin du critique d’art Philippe Piguet puis sa collection de peintures et photographies. En 2013 avait été exposée la Collection LGR de peintures et sculptures avec entre autres Buraglio, Dietman, Ming et la figuration narrative.
Cet été le Centre d’art contemporain de St Restitut, du 17 juin au 19 août, revient à la collection LGR avec des artistes niçois de leur collection. Pas moins de 21 artistes entre le dessin, la peinture, la sculpture et la photographie.
BP, MARC CHEVALIER, NOËL DOLLA, JEAN-BAPTISTE GANNE, Karim GHELLOUSSI, PHILIPPE GRONON, AÏCHA HAMU, THIERRY LAGALLA, NATACHA LESUEUR, BERNARD PAGÈS, PASCAL PINAUD, FLORIAN PUGNAIRE, DAVID RAFFINI, PHILIPPE RAMETTE, JERÔME ROBBE, JEAN-PHILIPPE ROUBAUD , VIVIEN ROUBAUD, MATTHIEU SCHMITT, STEPHANE STEINER, CEDRIC TEISSEIRE, XAVIER THEUNIS
Roland et Gaëtane Botrel ont consacré leur vie à collectionner des oeuvres d’artistes d’aujourd’hui mais aussi des oeuvres anciennes, en particulier des Vierges du XVe siècle. Depuis une dizaine d’années, une amie, Laurence Climbeau les a rejoints dans l’aventure! Cette dernière, à l’origine néophyte dans le domaine de l’art dit contemporain, peut être donnée en exemple par rapport aux sceptiques devant une oeuvre de notre temps. En effet non seulement elle est devenue passionnée mais a acquit ce que l’on appelle « un oeil ».
LGR n’accumulent pas les oeuvres dans le but de spéculer mais pour le plaisir des découvertes et des rencontres avec les artistes. Egalement pour compléter des ensembles afin de constituer une collection cohérente digne d’un musée. A St Restitut, Noël Dolla, ex-“Support Surface” pose la question de la peinture, rejoint par la nouvelle génération de Pascal Pinaud, Marc Chevalier, Jérôme Robbe, Cedric Teisseire, Karim Ghelloussi, David Raffini. Florian Pugnaire “sculpte” la tôle, Vivien Roubaud présente ses “explosions” dans la résine. Jean Baptiste Ganne, invité en Hollande, fixe dans la photographie le passage du temps sur les fleurs et, en période de coupe du monde de foot, souligne la vanité des trophées d’aujourd’hui. Matthieu Schmitt rend hommage au très regretté François Morellet, Xavier Theunis à Morandi et Philippe Lagalla, dans un registre “très personnel”, emprunte à Arcimboldo pour un autoportrait. On trouve aussi la célèbre photographe Natacha Lesueur et Jean-Philippe Ramette qui utilise la photographie pour sculpter l’espace et la lumière. A St Restitut, il joue avec son ombre, ainsi que Aïcha Hamu qui cache son beau visage sous un maquillage moucharabieh. Quant à Stephane Steiner, trois pièces donnent une idée de son travail. Enfin, pour les “classiques” une magnifique composition de Jean-Philippe Roubaud où il converse avec Les époux Arnolfini de Jan van Eyck ainsi qu’avec Courbet et Dürer.
Ils sont peintres, sculpteurs, photographes, ils dessinent, peignent, sculptent “autrement” et nous invitent à découvrir la diversité de la création d’aujourd’hui.
Annie Delay
RDV dimanche 17 juin 2018 – 10H30 table ronde en présence des collectionneurs LGR et de plusieurs artistes dont Marc Chevalier, Jean-Philippe Roubaud, Thierry Lagalla et Pascal Pinaud. Ces derniers signeront leurs derniers livres à l’issue de cette table ronde. 11h30 vernissage – Réservations au 06 23 66 96 45
Vues de l’exposition : photo Philippe Petiot – commentaires Roland Botrel, collection LGR
Bureau
Jean-Baptiste Ganne est né en 1972 à Gardanne. Membre de la Station, il vit à Nice et enseigne à la villa Arson.Lors d’une résidence en Hollande, plaque tournante pour les fleuristes du monde entier, Jean-Baptiste eût l’idée, en faisant un pas de côté poétique, de montrer l’automne des fleurs coupées…Quant aux trophées ramollis, c’est peut-être à la vanité des vainqueurs et de la société qui ne glorifie toujours que le premier que Jean-Baptiste Ganne s’adresse…
Jean-Baptiste Ganne, Sans titre (un art moyen), Photographies, 2004
Jean-Baptiste Ganne, Trophées, 5 coupes sur étagère métal, 2014
Salle 1
Thierry Lagalla est né à Cannes en 1966. Il est représenté à Nice par la galerie Espace à Vendre, à Bordeaux par la Mauvaise Réputation et à Paris chez Thomas Bernard.
Plasticien et performeur, Thierry Lagalla enchante son public à chacune de ses prestations. Ce sont quatre autoportraits à connotation historico-comique qui nous sont proposés.
Thierry Lagalla, Autoportrait à l'”Archibranlo”, 2004, acrylique sur toile cirée.
Thierry Lagalla, Autopschitt, 2009 ; Aspérant lo delùbi / Waiting for the flood, 2006, acrylique sur toile.
Salle 2
Pascal Pinaud est né en 1964 à Toulouse. Il vit à Nice et enseigne à la villa Arson. C’est la galerie Catherine Issert à Saint-Paul de Vence qui le représente. Plusieurs dessins nous montrent la richesse de création de cet artiste ; et si l’on ajoute les laques automobiles, les patères, les sculptures et les photos, nous comprenons mieux pourquoi la Fondation Maeght, l’Espace de l’Art Concret à Mouans-Sartoux et le FRAC PACA l’ont exposé l’année dernière.
Roland Botrel, vernissage, “Collectionner aujourd’hui. Very “Nice”, Collection LGR”.
Centre d’Art Contemporain de St-Restitut, oeuvres de Pascal Pinaud © Philippe Petiot
Pascal Pinaud, 24 Dessins, 1999-2014, techniques mixtes ; Plaque, 2006, Peinture et vernis sur tôle.
Pascal Pinaud, vernissage, “Collectionner aujourd’hui. Very “Nice”, Collection LGR”.
Centre d’Art Contemporain de St-Restitut © Philippe Petiot
Salle 3
Noël Dolla est né en 1945 à Nice où il réside.
Il a enseigné à la villa Arson où il a eu pour élèves, entre autres, Pascal Pinaud, Philippe Ramette, Natacha Lesueur. La galerie Ceysson & Bénétière le représente.
Membre historique de Supports-Surfaces, Noël Dolla a construit une œuvre riche de sens artistique et politique.
Noël Dolla, Fumée (série Silences de la fumée), 1996, acrylique sur toile et fumée.
Philippe Gronon est né en 1964 à Rochefort sur Mer. Il vit et travaille à Malakoff. Il a été pensionnaire de la Villa Médicis en 1994-95.
Il est représenté par la galerie Dutko à Paris et la galerie Barnoud à Quétigny.
Philippe Gronon photographie des objets à échelle 1. Des tableaux anciens ou modernes, il en photographie le «Verso», et c’est à Saint-Étienne que se trouve le «Recto» du tableau de Noël Dolla.
Bernard Pagès est né en 1940 à Cahors. Les galeries Ceysson-Bénétière à Paris, et Catherine Issert à Saint-Paul de Vence le représentent.
Grand sculpteur et grand dessinateur Bernard Pagès a fait partie des Nouveaux Réalistes et de Supports-Surfaces. La force de son travail réside entre autres dans l’opposition violente des matériaux qu’il emploie.
Etage
Matthieu Schmitt est né à Thionville en 1981. Diplômé de la Villa Arson, il vit et travaille à Nice. Il est représenté par la galerie Catherine Issert.
C’est un ingénieur qui invente des machines aux éléments incontrôlables, dans lesquelles des plantes vertes ont le pouvoir de composer des poèmes. A St Restitut Il n’est cependant pas représenté par une œuvre mécanique mais par un bel hommage à François Morrelet…
Marc Chevalier est né à Paris en 1967. Il vit et travaille à Nice.
Une œuvre sans peinture, sans pinceau et sans toile… Est-ce possible ? Bien sûr !!! Regardez les scotchs de Marc Chevalier…
Marc Chevalier, vernissage, “Collectionner aujourd’hui. Very “Nice”, Collection LGR”.
Centre d’Art Contemporain de St-Restitut © Philippe Petiot
Marc Chevalier, Sans titre, ruban adhésif sur châssis, 2009, 60 x 60 cm
Xavier Theunis est né en Belgique en 1978. Diplômé de la Villa Arson, Xavier vit et travaille à Nice. Il est représenté par la galerie Catherine Issert à Saint-Paul de Vence et la galerie Backslach à Paris.
Cet artiste qui voyage entre architecture, décoration et histoire de l’art à tout de suite attiré notre attention par la qualité de son travail ; l’originalité plastique et le clin d’œil artistique qu’il porte sur le passé. C’est avec des adhésifs vernis collés sur aluminium thermolaqué qu’il rend hommage aux bouteilles de Morandi et aux paysages de Nicolas de Staël…
Cave 1
Jérôme Robbe est né en 1981 à Paris où il vit. Il est diplômé de la Villa Arson. Au temps pas si lointain de la mode de la peinture sans peinture, Jérôme Robbe a travaillé sur l’écrasement de cette matière. La peau de peinture que nous présentons provient de la terrasse du Musée Chagall où 300 kilos de peinture avaient été déversés et écrasés par des plaques de marbre.
Jérôme Robbe, Peinture écrasée, peinture, verre, miroir.
Jérôme Robbe, Peau de peinture, 2011, empreinte terrasse, musée Chagall de Nice
Jean-Philippe Roubaud est né en 1973 à Cannes. Il vit au Cannet et travaille à Nice. Il a obtenu le DNSEP à la Villa Arson en 1997. Il est représenté par la galerie Sintitulo à Mougins. C’est un dessinateur qui maîtrise son médium parfaitement et nous fait voyager de Van Eyck à Courbet en passant par Dürer sans jamais forcer le trait.
Jean-Philippe Roubaud, vernissage, “Collectionner aujourd’hui. Very “Nice”, Collection LGR”. Centre d’Art Contemporain de St-Restitut © Philippe Petiot
Jean-Philippe Roubaud, vernissage, “Collectionner aujourd’hui. Very “Nice”, Collection LGR”. Centre d’Art Contemporain de St-Restitut © Philippe Petiot
Cave 2
David Raffini est né en 1982 à Bastia. Il vit et travaille à Bruxelles. En 2004, il obtient un Master d’Arts Appliqués à l’Université de Corse, et passe en 2007 le DNSEP à la Villa Arson à Nice. Il est représenté par la galerie Papillon à Paris et par la galerie Ceysson-Bénétière. Peintre, sculpteur et vidéaste, David Raffini se confronte à la matière avec lucidité. Il creuse son sillon avec talent et nous propose une grande peinture sur toile libre : «HASHIMA ».
David Raffini, Hashima, 2014, Acrylique sur toile libre.
Florian Pugnaire est né en 1980. Il vit et travaille à Bruxelles. Diplômé de la Villa Arson en 2006, il est représenté par les galeries Eva Vautier à Nice et Ceysson-Bénétière à Paris. Passant constamment de la vidéo à la sculpture, les différents médiums qu’il utilise s’interrogent et se répondent autour de la notion de Work in progress, convoquant les univers de l’atelier et du chantier. Il semble trouver sans effort l’idée ou le geste juste. Il collabore parfois avec David Raffini.
Florian Pugnaire, 1 plaque, 2010, sculpture murale tôle inox et sangle
Florian Pugnaire, 1 plaque (détail), 2010, sculpture murale tôle inox et sangle
Xavier Theunis, Paysage, 2013, adhésifs vernis sur aluminium thermolaqué.
Cave 3
Karim Ghelloussi est né en 1977. Diplômé en 2001. Il vit et travaille à Nice.
Attentif aux désordres du monde, Karim Ghelloussi dénonce les turpitudes des politiques, l’indifférence face aux émigrés et le rapport des citoyens à l’écologie.
Karim Ghelloussi, Pallissade, 2009, acrylique sur bois et sacs plastique.
Cédric Teisseire est né en 1968 à Grasse. Il vit et travaille à Nice.Il a cofondé la Station et le réseau Botox. Il enseigne à l’école supérieure d’art et de design de Toulon. La galerie Ulrich Mueller à Cologne et C.Art à Bregenz en Autriche, le représentent. Peinture sans peinture ? Où sont les instruments du peintre ? L’artiste répond à ses interrogations en utilisant des seringues et se sert de l’apesanteur dans la série « Alias » pour créer des œuvres qui à Nice font échos , mais d’une manière plus actuelle, aux tirs de carabine de Nicky de Saint Phalle et aux bidons de Gilli.
Cédric Teisseire, Alias… Twins, 2007, Laque sur toile cirée.
Cédric Teisseire, Alias… , 2005, Laque sur toile cirée.
Cave 4
Stéphane Steiner est né en 1963 à Nice. Vit et travaille à Nice. La galerie Espace à Vendre, à Nice, le représente. C’est un artiste rare et puissant qui nous montre, à Saint-Restitut, trois œuvres étonnantes :
Un paysage tellurique , un autoportrait et une vanité à découvrir… !
Stéphane Steiner, Vue d’ensemble
Stéphane Steiner, Portrait crashé, 2016, Photographie sur toile cirée.
Stéphane Steiner, Paysage tellurique, 2014, graphite sur papier.
Stéphane Steiner, Têtes de mort, dessin encre et pastel gras.
Aïcha Hamu, Natacha Lesueur, Philippe Ramette (Vue d’ensemble).
Aicha Hamu est née en 1974 à Avignon, elle vit et travaille à Nice. Elle est représentée par la galerie Catherine Issert. Artistes aux talents multiples, elle utilise plusieurs médiums pour parler de sa vision du monde. Dans son autoportrait elle dénonce la condition des femmes en se voilant d’un maquillage complexe, une sorte de moucharabieh intégré, de fils barbelés soit-disant indolores.
Aïcha Hamu, Sans titre, 1997, Photographie n° 2/3.
Natacha Lesueur est née en 1971 à Cannes. Elle est représentée par la galerie Eva Vautier à Nice. Photographie, sculpture et body Art culinaire, tout se mélange dans l’art de Natacha Lecteur. La série déjà ancienne des marques ou tatouages laissés par les vêtements intimes retirés sont une sorte de poésie à fleur de peau.
Natacha Lesueur, 2010, photographie.
Philippe Ramette est né en 1961 à Auxerre. Il vit et travaille à Paris. Surtout connu pour ses photographies où il se met en scène dans des situations improbables, Philippe Ramette expérimente et propose des points de vue décalés sur le monde. Son rapport à l’apesanteur nous fascine. Également sculpteur et dessinateur, là, c’est son ombre qui lui joue des tours…
Philippe Ramette, Ombre au repos, 2009, dessin à l’encre noire.
Vivien Roubaud est né en 1986. Diplômé du DNSEP de l’école nationale supérieure d’art de la Villa Arson (Nice). Il vit et travaille à Bruxelles. Il est représenté par la galerie In Situ (Fabienne Leclerc). Vivien est un bricolo génial, un professeur tournesol. Il transforme les objets, règle et dérègle les mécanismes. Apparaissent alors, frappées d’une baguette magique des formes nouvelles. Il joue aussi comme dans les explosions à des arrêts sur images qui nous permettent de voir ce qui normalement disparaît instantanément.
Vivien Roubaud, sculpture, 3 explosions rondes, 2014 ; 1 explosion plate, 2015 (résine).
Table ronde, “Collectionner aujourd’hui. Very “Nice”, Collection LGR”.
Centre d’Art Contemporain de St-Restitut
Marc Chevalier, Jean-Philippe Roubaud, Pascal Pinaud.
© Philippe Petiot
Marc Chevalier, Jean-Philippe Roubaud. Table ronde, “Collectionner aujourd’hui. Very “Nice”, Collection LGR”. Centre d’Art Contemporain de St-Restitut © Philippe Petiot
Vernissage, “Collectionner aujourd’hui. Very “Nice”, Collection LGR”
Vernissage, “Collectionner aujourd’hui. Very “Nice”, Collection LGR”. Roland Botrel, Christian Lhopital
Vernissage, “Collectionner aujourd’hui. Very “Nice”. Collection LGR”. Gaëtane Botrel, Jean-Pierre Delay © Philippe Petiot
Vernissage, “Collectionner aujourd’hui. Very “Nice”. Collection LGR”. Laurence Climbeau © Philippe Petiot
LGR, trois regards pour une collection par Christine Blanchet
Ce que j’ai aimé, que je l’aie gardé ou non, je l’aimerai toujours. André Breton
La collection LGR : trois initiales pour trois prénoms, Laurence, Gaëtane et Roland. Ellecommence avec les premières acquisitions de Gaëtane et Roland Botrel, rejoints «officiellement» plus tard par Laurence Climbeau ; le trio azuréen la complète au gré de leurs rencontres et promenades artistiques. À partir de leur sens aigu de l’histoire, ces véritables érudits, passionnés d’art, rassemblent des œuvres, souvent majeures dans le processus des artistes.
Christine Blanchet : Gaëtane et Roland, comment avez vous débuté votre collection ?
Gaëtane et Roland Botrel : En1987,nous achetons un dessin de Veličkovićà Monaco. Avant cela, nous regardions l’art contemporain en suivant le travail de plusieurs artistes dont Veličković, devenu depuis un ami.
Ch.B : Vos regards se sont aiguisés plutôt à partir de l’art ancien ?
RB, GB : Oui ! De la Renaissance à Picasso. Mais notre chance a été de rencontrer des artistes italiens originaires de Piacenza, groupés autour de Foppiani, Berté et Armodio qui exposaient entre 1976 et 1980 à la galerie « L’Oeuf de Beaubourg ». Ils mêlaient à leur travail l’héritage du passé et l’intelligence poétique et surréaliste de la modernité… Nous venions aussi tous les mois à Paris pour notre travail, et l’ouverture du Centre Georges Pompidou nous a permis de développer notre curiosité pour l’art contemporain dans la diversité des courants esthétiques.
Ch.B : Vous avez rassemblé, en trente ans, une centaine de pièces, peut-on parler d’un virus?
RB : Il faut bien comprendre que ce n’est pas la possession des choses qui nous intéresse. Notre posture est très claire et elle s’ancre dans cette envie de participer à un moment donné au soutien de la création, pour que les artistes mais aussi les galeries puissent continuer à travailler. Si acquérir n’est pas un but en soi, force est de constater que vivre avec des œuvres aujourd’hui, est devenu indispensable. Elles ont une vraie présence dans notre vie. Cependant, nous considérons que les œuvres continuent à appartenir aux artistes. Ils peuvent nous les demander, comme les trois dessins à la limaille de fer de Nicolas Daubanes d’après les gravures de Piranèse. Nous ne les avons jamais déballés chez nous… Ils sont vus ailleurs et c’est très bien ainsi…
[…] Nous n’achetons pas pour spéculer ou pour revendre, les artistes et les galeristes l’ont bien compris […]. Mais acquérir une œuvre est un acte qui n’est en rien anodin ; c’est un inconnu que l’on accueille chez nous, presque une adoption…
Ch.B : Laurence,comment rentrez-vous en 2006 dans l’aventure artistique de Gaëtane et Roland ?
Laurence Climbeau : Par le hasard des discussions ! Je n’avais pas manifesté jusque là un grand intérêt pour l’art et n’osais même pas rentrer dans une galerie. Cela a été une véritable initiation, comme je considère que lorsqu’on s’intéresse à quelque chose on ne peut pas être uniquement spectateur, mon aventure artistique a commencé dans ce désir de m’impliquer toujours plus. Au départ, nous achetions séparément des pièces des mêmes artistes pour finalement nous rendre compte que nous voulions les réunir, LGR est né dans cette idée de partage.
Ch.B : Vos discussions à propos des artistes et des œuvres sont une grande force dans la constitution de votre collection et les directions thématiques que vous lui donnez. En accueillant Laurence, est-ce que cela a changé votre façon de fonctionner ?
RB : L’art est intemporel. Quand Laurence est venue nous rejoindre, nous l’avons faite aussi voyager dans l’art ancien et lui avons montré comment l’art était toujours vivant dans un contexte à chaque fois précis. De cette façon, son œil s’est formé comme le nôtre, et aujourd’hui ses goûts s’affirment. Nous confrontons ainsi nos différences de points de vue car l’avantage dans ce cadre est d’avoir trois personnalités bien distinctes.
LC : J’ai été forcément influencée puisque je suis arrivée dans une histoire où les bases étaient déjà construites et il est essentiel pour moi que celles-ci se poursuivent. Les pièces que nous achetons ont toujours un sens par rapport à ce qui existe dans la collection…
Ch.B : Au regard de vos choix, l’on pressent des lignes et des thématiques dans votre collection. Par exemple, peut-on dire que vous soutenez l’école niçoise ?
RB : Pour l’école historique de Nice, nous sommes arrivés trop tard, mais nous avons des œuvres de Noël Dolla, de Pascal Pinaud, Bernard Pagès et de plusieurs jeunes que nous rencontrons à la Station ou à la Villa Arson !
Ch.B : Vous avez réuni des œuvres, beaucoup de peintures par ailleurs, dont les thématiques sont politiques ou liées à l’Histoire.
RB : Il y a effectivement un constat politique qui émerge de l’ensemble. Les artistes de la Figuration narrative dénoncent les abus ou les dérives du Monde. Mais au-delà de l’idée, ce qui compte avant tout, c’est la maîtrise et la qualité du travail ; par contre à propos de notre tableau, Le portrait de Mao,peint par Yan Pei Ming, nous ne sommes pas maoïstes pour un yuan, mais cette œuvre nous fait rentrer dans l’histoire du peintre, de l’Histoire en général, et même dans une certaine vision de la peinture puisque Warhol et bien d’autres ont peint Mao.
Ch.B : Au moment où vous achetez Ming, il n’était pas connu comme aujourd’hui représenté dans les plus grandes collections publiques et privées.
RB : Nous avons acheté notre premier tableau de Ming en 1996 à la FIAC. Nous l’avions déjà repéré l’année précédente et nous aimions cette écriture nerveuse avec des gouttelettes partout. Nous n’avons pas hésité, même si son prix, très raisonnable à l’époque, était une sorte de petite folie pour nous…
Ch.B : Vous êtes sensibles aux relations entre l’art et la littérature…
RB : Il n’y a pas que le côté pictural… J’évoquais tout à l’heure la façon dont l’art était stimulé, et il est toujours intéressant de comprendre les rencontres littéraires ou musicales.Les artistes ne vivent pas isolés et peuvent être aussi sous influence… Autour de Proust, nous avons deux jeunes artistes comme Raphaël Denis ou Jérémie Hennequin, le premier réécrit toute LaRecherche du temps perdu,sur une seule feuille et le second gomme le texte […]. Nous avons réuni un ensemble sur la Figuration narrative, bien avant qu’elle soit revenue sur le devant de la scène ces dernières années(avec des œuvres d’Adami, par exemple, autour des portraits de Gide d’une grande profondeur psychologique, d’une intelligence des couleurs ; tandis que pour Arroyo, c’est à travers le thème de la liberté qu’il laisse transparaître sa hargne pour Franco […]. Ces œuvres incarnent pour nous des moments forts de la vie de ces artistes… […] La Figuration narrative a été très importante entre 1964 et 1985. La société a changé depuis et nous aussi ; et tout en gardant un grand respect pour leur travail actuel, nous avons ouvert d’autres portes, celles de Pierre Buraglio, d’Erik Dietman, de Rebeyrolle ! Mais ce sont aussi des histoires de rencontres, de hasards.
Ch.B : Est-ce que ce n’est pas trop compliqué de regarder l’art actuellement ?
GB : Pas plus qu’avant, mais la mode des installations ou les vidéos nous intéresse peu. Nous les regardons dans les centres d’art mais nous ne saurions pas vivre avec… alors !
Ch.B : Quel est votre regard sur le milieu de l’art et son marché depuis trente ans ?
GB : On parle plus d’argent que d’art aujourd’hui !
RB : Nous sommes des amateurs d’art et à ce titre nous avons visité beaucoup de collections. Celles des Billarant ou des Gensollen, par exemple, qui ont des ensembles muséaux constitués de formidables artistes dont nous n’avons presque aucun nom. Au début cela m’a troublé, puis avec le temps, j’ai trouvé très touchant les mondes que chacun d’entre nous se fabrique…
Christine Blanchet, critique d’art
entretien avec les collectionneurs LGR